•  La Mondialisation, Principale transformation de l’organisation de l’espace contemporain

    1. Intensification d’une tendance ancienne, ou processus nouveau ?

    La globalisation actuelle fait l’objet de deux interprétations concurrentes. Pour les uns, il ne s’agit que de l’accélération de mécanismes déjà connus : elle porte l’économie à un degré d’internationalisation qui n’est pas tellement plus haut que celui qu’elle avait avant la grande phase de recentrage national des années 1920 aux années 1960 :

    Le poids des exportations comme des importations dans le PIB était aussi élevé il y a un siècle qu’aujourd’hui

    Les échanges financiers internationaux existaient déjà

    Les migrations internationales étaient plus fortes à la fin du 19ème siècle, ne serait-ce que du fait des mouvements vers le continent américain.

     

    Pour les autres au contraire, qui sont les plus nombreux, il s’agit d’un processus vraiment nouveau, qui date approximativement d’une vingtaine d’années. Cette thèse est couramment admise, car elle est appuyée par de nombreux arguments, qui montre l’enchaînement d’une mondialisation commerciale, puis industrielle et enfin financière.

     

    Avant de les présenter en détail, il faut dire quelques mots sur ce qui a rendu cette mondialisation possible : la révolution de la mobilité des biens, des personnes et des informations.

     

    La baisse des coûts de transport de biens et de personnes ne date pas des années 1980 bien entendu ; il s’agit d’un processus de longue portée, qui s’est accéléré depuis la deuxième guerre mondiale. La multinationalisation des firmes et l’exportation se sont développées à mesure que les coûts de transport et les obstacles aux échanges internationaux se réduisaient, les droits de douanes mondiaux moyens passant de 45% en 1945 à moins de 10% aujourd’hui dans les pays industriels et, tendanciellement, dans tous les pays de la planète. Le commerce textile, par exemple, est entièrement libéralisé depuis le

    1er janvier 2005. Même si cette baisse est contrebalancée par l’essor de « barrières non tarifaires », le mouvement de baisse est puissant. Alors que les services et les produits agricoles étaient exclus des négociations (round) du Gatt, ils sont inclus dans la politique de libre-échange reprise en charge par l’OMC depuis qu’elle a remplacé le Gatt en 1995.

    Le processus a été renforcé par l’évolution du transport international de marchandises (qui est essentiellement maritime) : la concentration des firmes de transport maritime et les progrès de la containerisation ont contribué à abaisser les coûts et ont ainsi favorisé le commerce international.

    Les vingt dernières années ont vu la progression particulièrement rapide des transports à grande vitesse, TGV et avion, témoignant d’un changement d’échelle de l’échange moyen (passage d’un territoire à petites mailles à un territoire à grandes mailles).

    Le changement technique dans les télécoms (généralisation des ordinateurs personnels, du fax et surtout d’Internet) a radicalement modifié l’échange d’informations – et des capitaux, qui ne sont jamais qu’un type particulier d’information.

    La baisse drastique des coûts de transport

                                                 

                                                                                                Source : Banque Mondiale

                                     Haut en Bas: Asie Sud  MERCOSUR  CEI  UE Japon Corée ALENA ACP Meda Pacifique Sud

     La baisse des tarifs douaniers dans les différentes régions du monde

    Tarifs moyens non pondérés, sources : WTO, Unctad, World Bank, OECD / IFRI (Le commerce mondial au 21ème siècle)

    1.2. Mondialisation commerciale, industrielle, et financière

     

    1.2.1. Mondialisation commerciale : le boom des exportations de marchandises et de services

     

    Il est faux de dire que l’exportation n’est pas plus élevée qu’il y a un siècle. La partie de l’activité économique qui appartenait au monde marchand, notamment au monde marchand comptabilisé, était infiniment plus faible il y a un siècle qu’aujourd’hui. Le dénominateur (PIB) étant plus faiblement estimé il y a un siècle qu’aujourd’hui, il y a un biais dans la comparaison du ratio « % des exportations dans le PIB » entre hier et aujourd’hui. En outre, les services font, à leur tour, l’objet d’échanges internationaux croissants puisqu’ils représentent 20% des exportations mondiales actuelles.

                                                                                        

    Croissance en volume du commerce mondial des marchandises et du PIB, 1994-2004

                                   (Variation annuelle en pourcentage)  Source : OMC

     

    1.2.2. Mondialisation industrielle : la mondialisation du système productif

     

    1.2.2.1. Les investissements transnationaux ont progressé plus vite que les exportations

    La forte progression des mouvements de capitaux productifs est une des caractéristiques majeures de la globalisation. Naguère les firmes qui s’internationalisaient commençaient par exporter puis, lorsqu’elles avaient pris la mesure d’un marché extérieur, y implantaient une filiale. Ce n’est plus comme ça que l’internationalisation avance : les firmes ont d’emblée une stratégie de présence sur les différents marchés, implantent d’emblée des filiales ou, plus souvent encore, rachètent des entreprises sur place ou y prennent des participations. Désormais, ce sont les IDE (investissements directs à l’étranger) qui tirent les échanges commerciaux ; on ne peut plus se contenter d’exporter, la présence directe sur les marchés est requise.

    Ce ne sont donc plus seulement les marchandises qui s’échangent, ni les marchés qui deviennent mondiaux, mais la production elle-même : main d’oeuvre et surtout investissements sont devenus mobiles, le dispositif productif des entreprises est de plus en plus souvent multinational. Depuis une vingtaine d’années, l’exportation progresse plus vite que la production mondiale et les IDE progressent plus vite que l’exportation. Ce boom des IDE correspond surtout (i) à des fusions-acquisitions (pour 80% des IDE, ce qui veut dire que les rachats sont la forme dominante de la multinationalisation des firmes), et (ii) à des mouvements nord /nord : on assiste à une vaste redistribution des parts du marché mondial entre les firmes des pays dominants, laissant les pays en développement à une place secondaire.

     

    Un autre aspect, déterminant, de ces fusions-acquisitions, est qu’elles se traduisent par la constitution d’oligopoles dans pratiquement tous les domaines d’activité, industriels et de service.

                                               1.2.2.2. Le rôle de la dérégulation financière et de la privatisation

    L’accroissement de la circulation du capital dans le monde depuis une vingtaine d’années n’a été possible qu’à travers la dérégulation financière, qui s’est généralisée à la fin des années 1980 et dans les années 1990. Organisée, depuis la grande crise de 1929, de manière à cloisonner ses différents segments, l’industrie financière des Etats-Unis, puis de l’Europe, du Japon et, progressivement, de tous les autres pays, a été profondément remaniée. Le contrôle administratif et fiscal sur les mouvements de capitaux a été réduit, le cloisonnement entre banque et assurance, et au sein de la banque entre banques d’affaires et banques de dépôts a été supprimé ou allégé, de nouveaux produits financiers ont été inventés afin de multiplier les sources financières pour des entreprises à la recherche du financement de leur multinationalisation. Se finançant directement sur le marché des capitaux (envolée du rôle des bourses et des capitalisations boursières), les entreprises passent de moins en moins par le prêt bancaire traditionnel (« désintermédiation »).

    Par ailleurs, la privatisation a touché de vastes secteurs des économies nationales : industries, services publics, transports, qui ont constitué autant d’opportunités de rachat par les capitaux mobiles.

                                         1.2.2.3. Attirer des capitaux transnationaux, nouvel impératif des territoires

    L’attractivité des capitaux internationaux devient fondamentale, pour les pays du nord comme pour ceux du sud ; pour ces derniers, confrontés à une crise majeure d’endettement dans les années 1970 et au début des années 1980, la libéralisation des mouvements de capitaux se sera révélée peu résistible.

    Au total, les IDE représentaient en 1980 à peine 2% de l’investissement dans le monde (FBCF), ils en représentent aujourd’hui 15%. Cela signifie que sur sept dollars investis dans le monde, un l’est de manière transnationale (IDE). Pour les pays du sud, dont l’épargne est dans l’ensemble faible et dont la capacité à transformer l’épargne en investissement est réduite, la venue de ces capitaux transnationaux devient une clé du développement.

    Car pour être secondaires, les pays en développement ne sont pas marginaux dans ces flux mondiaux d’investissements privés. De 20 b$ dans les années 1980, ces flux depuis et vers les PVD sont passés à

    120 dans les années 1990. Les PVD constituent toujours plus du quart des cibles des IDE – mais la liste de ces PVD a changé en se concentrant de plus en plus sur les pays émergents, qui captent 85% des ces IDE du Sud.

     

    L’importance des IDE pour les pays en développement tient donc aux éléments suivants:

    Investissements plus nombreux

    Faciliter les entrées et sorties d’IDE revient à favoriser les investissements dans les affaires les plus rentables, ce qui aide à assainir l’économie nationale

    Augmentation de la productivité du fait d’investissements en R&D plus faciles, d’innovations dans l’organisation du travail, la disparition des entreprises les moins efficaces – même si cela se traduit par des problèmes d’emploi à court terme

    Extension des standards économiques internationaux et notamment en matière de niveau de qualification de la main d’oeuvre et d’efficience des organisations – dans l’entreprise, dans les entreprises partenaires (sous-traitants), et en dehors d’elles notamment sur le plan territorial : urbanisation et planification urbaine etc.

    Augmentation de l’impôt et donc financement accru pour les politiques publiques (formation, infrastructures…)

    Meilleure connaissance réciproque d’agents économiques de différents pays, ce qui favorise ensuite la pénétration des entrepreneurs locaux sur d’autres marchés.

     

                                                      1.2.2.4. Les firmes multinationales (FMN), « entreprises-réseau »

    Les firmes transnationales représentent le quart de la production mondiale de biens et services, leur production à travers leurs filiales étrangères dépasse désormais l’exportation mondiale. Constituée d’un grand nombre de filiales qui elles-mêmes détiennent des filiales, ces multinationales deviennent de vastes réseaux d’établissements qui peuvent être de taille petite ou moyenne, localisés dans toutes les zones économiquement actives de la planète ; ces « entreprises-réseau » bénéficient ainsi d’économies de dimension.

    Cette figure de l’entreprise-réseau permet de comprendre la caractère de moins en moins pertinent des catégories de la comptabilité nationale ; dans le cas du commerce international par exemple, il faut moins penser à un commerce entre nations, et d’avantage à un commerce transnational qui concerne bien souvent des firmes qui sont présentes au deux bouts de la chaîne. Dans le cas de la France, un tiers du commerce international de marchandises relève de flux entre filiales d’une même multinationale, un autre tiers part d’une filiale d’une multinationale ou y arrive. A l’échelle mondiale, on estime que plus de 40% du commerce international total est constitué en fait de flux intra-firmes.

                                                           1.2.2.5. Les réseaux d’entreprises

    Il faut ajouter que les alliances entre firmes et notamment entre multinationales se sont multipliées depuis le milieu des 1980. Pour être présent dans les différents marchés, les firmes rachètent des firmes locales, elles peuvent aussi choisir de s’associer à elles. C’est alors la notion de « réseau d’entreprises » qu’il faut mobiliser. Paradoxalement donc, il y a à la fois davantage de concurrence et davantage de coopération entre les firmes.

    La libéralisation des investissements transnationaux dans un nombre croissant de pays s’est traduite par l’impossibilité, pour la comptabilité nationale, de repérer exhaustivement les entreprises dont le capital est détenu par des non-résidents, et réciproquement les entreprises situées à l’étranger mais dont une partie du capital est dans les mains de résidents. Même lorsqu’elle y parvient à peu près, comme aux États-Unis, la statistique ne peut guère aller plus loin que le premier niveau d’entreprise à l’étranger, c’est-à-dire que les filiales de ces filiales ne sont pas repérées. Enfin en ce qui la concerne, l’intégration européenne s’est traduite par la disparition des douanes, donc de la possibilité de mesurer les échanges transfrontaliers internes. Bref, c’est paradoxalement au moment où l’on a le plus besoin de connaître la géographie des flux transnationaux qu’on est le moins capable de le faire !

                                              1.2.2.6. La synchronisation de l’économie mondiale

    Un des caractères marquants de la globalisation est la remise en cause des formes classiques de la division internationale du travail (DIT). Naguère, les firmes américaines délocalisaient leurs unités de production dans les pays à bas salaires. La phase de conception avait lieu dans les régions majeures du globe (région parisienne, londonienne, milanaise, mais surtout les régions des Etats-Unis comme la côte Est ou la Californie) ; la production, une fois banalisée se répandait dans les autres régions des pays du nord, les phases les plus intensives en main d’oeuvre étaient délocalisées dans les pays du sud ; Lorsque le produit était devenu lui-même devenu banal et technologiquement bien maîtrisé, c’est l’ensemble du processus de production qui était délocalisé.

     

    Or le remplacement de produits technologiquement dépassés se fait bien plus rapidement que naguère, et plus radicalement : le cycle du produit se raccourcit, le disque vinyle a totalement disparu avec les premiers CD. Cette course à la technologie, la vitesse du remplacement des générations de produits, et la nécessité d’être présent sur les marchés les plus dynamiques afin de bien anticiper sur l’évolution de la demande, font de la délocalisation dans les pays à bas salaires une option de moins en moins intéressante. A mesure que le niveau de qualification de la main d’oeuvre augmente, pour produire des biens dont le contenu technologique augmente, l’avantage comparatif des pays à bas salaires se réduit.

    Pour le dire de manière simplifiée mais pédagogique, les riches n’ont plus besoin des pauvres – ni pour leur marché, trop maigre, ni pour leur main d’oeuvre, pas assez qualifiée.

     

    Seuls les quelques pays émergents tirent leur épingle du jeu. Disposant d’une main d’oeuvre (au moins en partie) qualifiée, ils peuvent recevoir des filiales de multinationales. Ces dernières en effet utilisent des technologies sophistiquées y compris dans leurs ateliers délocalisés, ont besoin d’un système productif homogène entre tous leurs établissements pour pouvoir faire circuler des bases de données techniques identiques (par exemple sur la spécification de sous-ensembles qui doivent être assemblés ailleurs dans une parfaite adéquation), disposer d’une garantie de qualité à toutes les étapes du processus de production et pour tous les produits (exigences de l’effet de marque), et doivent assurer la communication transnationale interne au moyen de TIC de pointe.

    Les réseaux transnationaux de firmes entre pays développés dessinent une économie synchrone à l’échelle planétaire. Le système boursier mondial qui fonctionne en continu (Tokyo puis Londres puis Wall Street puis Tokyo…) est l’exemple métaphorique d’un système productif fonctionnant non plus par phases successives mais de manière intégrée.

    OUTGDA Mektar


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  • Tension internationales (Lybie, Afghanistan, Corée du Nord, Moyen Orient, etc.), crise monétaire (dette souveraine en Europe, Perte du leadership du dollars), crise économique, crise écologique (sécheresse en Somalie et Kenya, grave tempête de neige en Nouvelle Zelande). L' économie Mondiale n'a cesser depuis 1975 d'être tourmenté, chamboulé, et mise à rude épreuve.

    Il n'est pas illégitime de se demander si l'embellie qu'à connu l'économie mondiale aprés guerre n'etait qu'une parenthèse dans une histoire écrite pour se finir mal. Je ne reviendrais pas ici sur les théories qui consiste à penser que les Etats Unis n'ont réussi à maintenir leur croissance et leur leadership grace à l'alliance du politique et du complexe militaro industrielle. Mais il faut reconnaitre qu'en temps de paix, les taux de croissance des pays industrialisés peinent à dépasser les 3% (à quelques rares exeptions près dans l'histoire). Mais l'inconscient collectif nous ramène perpetuellement à cette époque dorée des grands travaux, de la puissante classe ouvrières, des acquis sociaux et surtout d'un chômage quasi nulle (plein emploi évalué communément à 4% de chômage). Alors qu'est ce qui nous empèche de retrouver cet eldorado pas si lointain? Plusieurs facteurs expliquent la ponctualité de cette période dans l'Histoire. Tout d'abord la démographie, malheureusement la guerre à décimé des générations entieres dans de nombreux pays en Europe, ce qui a créer un macabre cercle vertueux impossible aujourd'hui (et heureusement), de plus l'un des facteurs les plus importants est celui des ressources. En effet, le temps d'un baril de pétrole à 40 dollars est révolu (nous tendons plus vers un baril à 150), ce qui oblige nos industries a une maitrise et à une rationalisation de leurs couts qui rendent difficile les embauches massives (dans les pays occidentalisés). Un autre facteur, lui de bon sens, est celui de la causalité. Ce qui était acceptable à l'époque ne l'ai plus et ne le sera plus jamais, ainsi va le sens de l'Histoire, le sens du progrès. 

    Devons nous faire le deuil de cette époque ? et bien oui, il serait temps d'integrer l'idée que cette période de reconstruction de nos pays n'etait que transitoire, et que nos économies sont aujourd'hui en vitesse de croisière (mise à part la crise). Mais il est trop tôt pour se résigner, car la tendance vers l'intensification des échanges internationaux donnent à nos économies l'oxygène necessaire à sa vitalité, et ce processus (couplé à l'innovation), peut pérdurer dans le temps. A l'instar de la Chine aujourd'hui, d'autres pays auront leurs developpements économiques s'accéllerer (un pays comme le Maroc à un taux de croissance aujourd'hui de 5% en temps de crise).

    Mais ce processus de mondialisation a profondément changer les règles qui régissaient nos économies. Aujourd'hui chaque pays se doit d'avoir une politique stratégique puissante et intelligente, pour tirer son épingle du jeu mondial. Les mots lobbying, renseignement, influence, information doivent faire partie de l'ADN de toutes entreprises qui veut réussir. La France rattrape laborieusement son retard mais il n'est pas trop tard pour déployer cet arsenal qu'est l'intelligence économique à grande échelle pour retrouver les joies du plein emploi et de la croissance.

     

    Mektar OUTGDA


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    La finance tombée de son piédestal en 2009 à force d'excès et d'opacités, on pouvait espérer par contraste un rôle accru de l'analyse économique dans les débats à venir. Dette, délocalisations, pub sur France Télévision : trois exemples tirés de l'actualité de ce début d'année montrent que l'obsession politique a plus de poids dans les débats que l'analyse économique.

    La dette tout d'abord, affichée comme le premier sujet de préoccupation et d'affrontement politique (alors que le chômage s'est pourtant accru de 500 000 personnes en un an ! ). La référence sans cesse reprise pour marteler la gravité le problème est le poids de la dette publique dans le PIB, qui atteindrait près de 78% en 2009.

    1Le poids de la dette dans le PIB, un indicateur peu pertinent

    Sans vouloir nier les problèmes associés à une dette élevée et croissante, une telle comparaison n'a pas grand sens économique. Cette référence a son origine dansles critères de Maastricht qui, pour faire converger les économies européennes à un point permettant l'introduction d'une monnaie commune, s'appuyaient sur des grandeurs (PIB, déficit budgétaire, dette cumulée) permettant de comparer des pays très différents.

    L'appliquer aujourd'hui comme critère de bonne/mauvaise santé d'une économie est erroné car on rapporte un stock (la dette totale) à un flux (la richesse créée en un an par le pays, son PIB), soit deux variables hétérogènes.

    Pour l'illustrer, prenons quelqu'un disposant du salaire médian dans notre pays, soit 18 000 euros net. S'il souhaite acquérir un appartement, nul ne penserait à comparer le prix des biens recherchés à son revenu annuel. Une banque pourra lui accorder, en fonction de son revenu et sa capacité de remboursement, un prêt d'environ 70 000 euros sur une durée de 15 ans, lui permettant de s'endetter à hauteur de 3,8 son « PIB » personnel.

    De façon analogue, il faudrait donc comparer le montant du remboursement de la dette publique, estimé à 42,7 milliards d'euros dans le projet de loi de finances 2010 voté par le Parlement à l'automne, aux recettes prévues du budget de l'Etat. Ce ratio est de 16%, ce qui est certainement élevé mais moins « apocalyptique » que la comparaison de la dette au PIB. Débattons ainsi de l'endettement et des choix politiques associés mais évitons les faux épouvantails censés frapper l'opinion mais sans réalité économique.

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    Plus la prime à la casse marche, plus les incitations à délocaliser augmentent

    Deuxième exemple, le sujet sensible des délocalisations récemment illustré par l'annonce par Renault de produire la future Clio IV en Turquie, alors que le groupe a bénéficié l'an passé d'un prêt public important pour traverser la crise. Médias et politiques saluaient pourtant deux semaines plus tôt des résultats records pour l'industrie automobile française, en se félicitant du rôle positif joué par la prime à la casse mise en œuvre l'an passé.

    Il est clair que cet instrument a dopé les ventes de véhicules et stimulé les exportations, par exemple vers l'Allemagne, en tirant parti d'un outil comparable décidé par notre voisin. Problème : cet instrument favorise surtout les petites voitures, donc des modèles qui sont (et ce depuis plusieurs années) assemblés dans des pays étrangers (Roumanie, Slovaquie).

    La croissance des ventes de voitures Renault tient d'abord au poids grandissant des modèles Twingo et de la Logan et ses dérivés, assemblées à l« étranger. Par conséquent, plus la prime à la casse marche, plus les incitations à délocaliser augmentent pour les groupes automobiles européens. Se réjouir de la prime à la casse et dénoncer en même temps les délocalisations futures est donc incohérent.

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    La suppression de la publicité après 20h a profité à France Télévisions

    Enfin, un sujet qui faisait l'actualité politique et économique il y a un an : la suppression de la publicité après 20h sur les chaînes de télévision publiques. La mesure allait, entendait-on, appauvrir le groupe public, exiger un soutien accru de l'Etat et profiter directement aux chaînes privées.

    L'estimation des recettes publicitaires de France Télévisions après application de la mesure était au départ de 260 millions d'euros (jugée trop optimiste par certains opposants). Estimation du bilan final [selon la société de gestion et d'analyse Yacast] : environ 420 millions d'euros de recettes publicitaires en 2009, tandis qu'en parallèle, les résultats des principales chaînes privées ont faiblement progressé.

    Silence et indifférence à l'annonce de ces chiffres. Ils s'expliquent pourtant par un phénomène économique élémentaire : lorsque la rareté d'un bien s'accroît, son prix augmente. Or supprimer la publicité sur France Télévision après 20h signifie que la quantité de créneaux publicitaires sur ces réseaux diminue.

    Comme l'audience de ces chaînes n'est pas exactement la même que celle des chaînes privées, et qu'un annonceur publicitaire, pour toucher le plus grand monde, ne peut négliger cette audience, cela signifie pour ce dernier que l'offre de publicité de France Télévision se contracte.

    Résultat : les prix augmentent et les recettes totales aussi, même si le volume de minutes vendues est en diminution. Ce qui est étonnant, c'est finalement l'étonnement de ceux qui faisaient un an plus tôt des déclarations définitives solennelles censées pourfendre l'adversaire politique, mais malheureusement fort peu économiques et donc condamnées à être démenties plus tard par les faits et les chiffre.


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